Serrez les rangs ! (Page 45).
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sommes ici douze à quinze mille hommes,
avec, le vieux Souham, qui n’a jamais reculé
d’une semelle. Nous allons tenir comme des
clous, un contre six ou sept, jusqu’à ce que
l’Empereur soit informé de la chose et qu’il se
replie pour venir à notre secours. Tenez, voilà
déjà les officiers d’ordonnance qui partent. »
C’était vrai : cinq ou six officiers traversaient
la plaine de Lutzen derrière nous, du côté de
Leipzig ; ils allaient comme le vent, et je suppliai
le Seigneur, dans mon âme, de leur faire
la grâce d’arriver à temps et d’envoyer toute
l’armée à notre secours ; car d’apprendre qu’il
faut périr, c’est épouvantable, et je ne souhaite
pas à mon plus grand ennemi d’être dans une
position pareille.
Le sergent Pinte nous dit encore :
« Vous avez de la chance, conscrits ; si l’un ou l’autre de vous en réchappe, il pourra se vanter d’avoir vu quelque chose de soigné. Regardez seulement ces lignes bleues qui s’avancent le fusil sur l’épaule, le long du Floss-Graben ; chacune de ces lignes est un régiment ; il y en a une trentaine : ça fait soixante mille Prussiens, sans compter ces files de cavaliers qui sont des escadrons. Et sur leur gauche, prés de Rippach, ces autres qui s’avancent et qui reluisent au soleil, ce sont les dragons et les cuirassiers de la garde impériale russe ; je les ai vus pour la première fois à Austerlitz, où nous les avons joliment arrangés. Il y en a bien dix-huit à vingt mille. Derrière, ces masses de lances, ce sont des bandes de Cosaques. De sorte que nous allons avoir l’avantage, dans une heure, de