Page:Erckmann-Chatrian-Romans Nationaux-1865.djvu/90

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
80
ROMANS NATIONAUX

Les balles sifflaient dans les brandies. (Page 78.)


derrière les arbres où nous étions, les coups de fusil des Prussiens ne nous auraient pas fait de mal. Nous entendions de l’autre côté de la côte une bataille terrible, les coups de canon se suivaient à la file et tonnaient quelquefois ensemble comme un orage ; c’était une raison de plus pour rester. Mais nos officiers, s’étant réunis, décidèrent que les broussailles faisaient partie de la forêt et qu’il fallait chasser les Prussiens jusque sur la côte. Cela fut cause que bien des gens perdirent la vie en cet endroit.

Nous reçûmes donc l’ordre de chasser les tirailleurs ennemis, et comme ils tiraient à mesure que nous approchions, et qu’ils se cachaient ensuite, tout le monde se mit à courir sur eux pour les empêcher de recharger. Nos officiers couraient aussi, pleins d’ardeur. Nous pensions qu’au haut de la colline les broussailles finiraient, et qu’alors nous fusillerions les Prussiens par douzaines. Mais dans le moment où nous arrivions en haut tout essoufflés, voilà que le vieux Pinto s’écrie :

« Les hussards ! « 

Je lève la tête, et je vois des colbacks qui montent et qui grandissent derrière cette espèce de dos d’âne : ils arrivaient sur nous comme le vent. À peine avais-je vu cela, que sans réfléchir je me retourne et je commence à redescendre, en faisant des bonds de quinze pieds, malgré la fatigue, malgré mon sac et malgré tout. Je voyais devant moi le sergent Pinto, Zébédé et les antres, qui se dépêchaient et qui sautaient en allongeant les jambes tant qu’ils pouvaient. Derrière, les hussards en