Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/166

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canons dans l’intervalle, et les caissons derrière le dernier rang.

Tout le monde se défiait de ce creux, d’autant plus que nous avions vu, la veille, une masse de cavalerie qui ne pouvait pas s’être sauvée jusqu’au bout de la grande plaine que nous découvrions en tous sens. C’était impossible ; aussi je n’ai jamais eu plus de défiance qu’en ce moment : je m’attendais à quelque chose. Malgré cela, de nous voir tous bien en rang, le fusil chargé, notre drapeau sur le front de bataille, nos généraux derrière, pleins de confiance, — de nous voir marcher ainsi sans nous presser et de nous entendre appuyer le pas en masse, cela nous donnait un grand courage. Je me disais en moi-même : « Peut-être qu’en nous voyant ils se sauveront ; ce serait encore ce qui vaudrait le mieux pour eux et pour nous. »

J’étais au second rang, derrière Zébédé, sur le front, et l’on peut se figurer si j’ouvrais les yeux. De temps en temps, je regardais un peu de côté l’autre carré qui s’avançait sur la même ligne, et je voyais le maréchal au milieu avec son état-major. Tous levaient la tête, leurs grands chapeaux de travers, pour voir de loin ce qui se passait.

Les tirailleurs arrivaient alors près du ravin bordé