Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/181

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— Ça, dit le sergent Pinto, le nez en l’air et la main en visière sur les yeux, c’est une bataille qui commence, ou je ne m’y connais pas ; Pendant que notre armée défile sur Leipzig et qu’elle s’étend à plus de trois lieues, ces gueux de Prussiens et de Russes veulent nous prendre en flanc avec toutes leurs forces, et nous couper en deux. C’est bien vu de leur part : ils apprennent tous les jours les malices de la guerre.

— Mais nous, qu’est-ce que nous allons faire ? demanda Klipfel.

— C’est tout simple, répondit le sergent ; nous sommes ici douze à quinze mille hommes, avec le vieux Souham, qui n’a jamais reculé d’une semelle. Nous allons tenir comme des clous, un contre six ou sept, jusqu’à ce que l’Empereur soit informé de la chose et qu’il se replie pour venir à notre secours. Tenez, voilà déjà les officiers d’ordonnance qui partent.

C’était vrai : cinq ou six officiers traversaient la plaine de Lutzen derrière nous, du côté de Leipzig ; ils allaient comme le vent, et je suppliai le Seigneur, dans mon âme, de leur faire la grâce d’arriver à temps et d’envoyer toute l’armée à notre secours ; car, d’apprendre qu’il faut périr, c’est épouvantable, et je ne souhaite pas à mon plus grand ennemi d’être dans une position pareille.