Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/27

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dans les brasseries, à la halle aux blés, partout ; on ne pouvait se rencontrer sans se demander aussitôt : « Eh bien… eh bien… ça va mal… la retraite a commencé ! »

Les gens étaient pâles ; et, devant la poste, des centaines de paysans attendaient du matin au soir, mais il n’arrivait plus de lettres. Moi, je passais au travers de tout ce monde sans faire trop attention, car j’en avais tant vu ! Et puis j’avais une idée qui me réjouissait le cœur, et qui me faisait voir tout en beau.

Vous saurez que, depuis cinq mois, je voulais faire un cadeau magnifique à Catherine pour le jour de sa fête, qui tombait le 18 décembre. Parmi les montres qui pendaient à la devanture de M. Goulden, il s’en trouvait une toute petite, quelque chose de tout à fait joli, la cuvette en argent, rayée de petits cercles qui la faisaient reluire comme une étoile. Autour du cadran, sous le verre, était un filet de cuivre, et sur le cadran on voyait peints deux amoureux qui se faisaient en quelque sorte une déclaration, car le garçon donnait à la fille un gros bouquet de roses, tandis qu’elle baissait modestement les yeux en avançant la main.

La première fois que j’avais vu cette montre, je m’étais dit en moi-même : « Tu ne la laisseras pas échapper ; elle sera pour Catherine. Quand