Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/322

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même, avaient arrêté les Suédois qui s’avançaient dans le vide formé par la trahison des Saxons. — Deux ou trois vieilles baraques qui finissaient de brûler en avant du village éclairaient ce spectacle. Les grenadiers à cheval étaient encore à Rendnitz ; mais une foule d’autres troupes débandées allaient et venaient dans la grande rue. On n’avait pas fait la distribution des vivres ; chacun cherchait à manger et à boire. Comme nous défilions devant une grande maison de poste, nous vîmes derrière le mur d’une cour deux cantinières qui versaient à boire du haut de leurs charrettes. Il y avait là des chasseurs, des cuirassiers, des lanciers, des hussards, de l’infanterie de ligne et de la garde, tous pêle-mêle, déchirés, les shakos et les casques défoncés, sans plumets, criblés de coups. Tous ces gens semblaient affamés. Deux ou trois dragons, debout sur le petit mur, près d’un pot rempli de poix qui brûlait, les bras croisés sous leurs longs manteaux blancs, étaient couverts de sang comme des bouchers. Aussitôt Zébédé, sans rien dire, me poussa du coude, et nous entrâmes dans la cour, pendant que les autres poursuivaient leur chemin. Il nous fallut un quart d’heure pour arriver près