Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/341

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plus de chefs et qu’on n’avait plus de discipline. Et puis la faim, la misère, les fatigues, la maladie, tout vous accablait à la fois ; le ciel était gris, il ne finissait plus de pleuvoir, le vent d’automne vous glaçait. Comment de pauvres conscrits encore sans moustaches, et tellement décharnés qu’on aurait vu le jour entre leurs côtes comme à travers une lanterne, comment ces pauvres êtres pouvaient-ils résister à tant de misères ? Ils périssaient par milliers ; on ne voyait que cela sur les chemins. La terrible maladie qu’on appelait le typhus nous suivait à la piste : les uns disent que c’est une sorte de peste, engendrée par les morts qu’on n’enterre pas assez profondément ; les autres, que cela vient des souffrances trop grandes qui dépassent les forces humaines ; je n’en sais rien, mais les villages d’Alsace et de Lorraine, où nous avons apporté le typhus, s’en souviendront toujours : sur cent malades, dix ou douze au plus revenaient ! Enfin, puisqu’il faut continuer cette triste histoire, le soir du 19 nous allâmes bivaquer à Lutzen, où les régiments se reformèrent comme ils purent. Le lendemain, de bonne heure, en marchant sur Weissenfelds, il fallut tirailler contre les Westphaliens, qui nous suivirent jusqu’