Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/61

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« Dis au père Goulden de dormir tranquille, la danse va recommencer au printemps ; ils n’auront pas toujours l’hiver pour eux, les Kalmoucks ; dis-lui ça !

— Oui, monsieur le commandant », répondis-je en fermant la porte.

Sa grosse figure et son air de bonne humeur m’avaient un peu consolé ; mais, dans toutes les maisons où j’allai ensuite, chez les Harwich, chez les Frantz-Toni, chez les Durlach, partout on n’entendait que des plaintes. Les femmes surtout étaient dans la désolation les hommes ne disaient rien et se promenaient de long en large, la tête penchée, sans même regarder ce que je faisais chez eux.

Vers dix heures, il ne me restait plus que deux personnes à voir : M. de la Vablerie-Chamberlan, un ancien noble, qui demeurait au bout de la grand-rue avec Mme Chamberlan d’Ecof et Mlle Jeanne, leur fille. C’étaient des émigrés revenus depuis trois ou quatre ans. Ils ne fréquentaient personne en ville, et ils ne voyaient que trois ou quatre vieux curés des environs. M. de la Vablerie-Chamberlan n’aimait que la chasse ; il avait six chiens au fond de sa cour et une voiture à deux chevaux ; le père Robert, de la rue des Capucins, leur servait de cocher, de palefrenier, de domestique