Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/62

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et de piqueur. M. de la Vablerie portait toujours une veste de chasse, une casquette en cuir bouilli et des bottes à éperons. Toute la ville l’appelait le braque ; mais on ne disait rien de Mme ni de Mlle de Chamberlan.

J’étais bien triste en poussant la lourde porte à poulie, dont le grelottement se prolongeait dans le vestibule ; aussi quelle ne fut pas ma surprise d’entendre, au milieu de cette désolation générale, un air de chant et de clavecin ! M. de la Vablerie chantait et Mlle Jeanne l’accompagnait. Je ne savais pas, dans ce temps, que le malheur des uns fait le bonheur des autres, et je me dis, la main sur le loquet : « Ils ne connaissent pas encore les nouvelles de Russie. »

Mais comme j’étais ainsi, la porte de la cuisine s’ouvrit, et Mlle Louise, leur servante, penchant la tête, demanda :

« Qui est là ?

— C’est moi, mademoiselle Louise.

— Ah ! c’est vous, monsieur Joseph, passez par ici. »

Ces gens avaient leur pendule dans un grand salon où l’on n’entrait que rarement ; les hautes fenêtres à persiennes donnant sur la cour restaient fermées ; mais on y voyait assez pour ce que