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BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE

les conseils humains ne font rien ici, pas plus que les soins des hommes même les plus prudents. Il n’y a que Dieu seul qui, offensé par nos très grands péchés, puisse adoucir ces infortunes ; je le prie donc de tout cœur qu’il ait enfin pitié de nous. Mais bien que, par ces tumultes, mes études soient profondément troublées, je ne puis cependant oublier cette tendance de mon esprit à se porter vers les études minéralogiques (dont je t’ai parlé naguère), parce que cette ardeur de m’en occuper augmente de jour en jour. C’est pourquoi si tu peux m’aider de quelque façon que ce soit dans ces études, je te prie instamment de le faire. J’ai appris que certaine espèce de Pierres plates se trouve pour ainsi dire en cercle, là où passent les guides, sur les montagnes qui séparent la Hongrie de la Dacie ou Transylvanie : certaines de ces Pierres ont la couleur, les unes de l’or, les autres de l’argent, et paraissent être remarquables par des caractères encore inconnus. On rapporte que le Roi Ladislas, lorsqu’il poursuivit les Tartares chargés de butin et de dépouilles, appréhendait, en raison de l’avarice et de la lâcheté de ses soldats, de les voir s’arrêter devant les trésors abandonnés sur la route par les ennemis et de perdre ainsi la victoire. Il aurait alors demandé à Dieu de vouloir bien convertir en pierres les pièces de monnaie et les écus, semés ainsi par les Tartares sur la route, de telle façon que le soldat déçu eût plus d’ardeur à poursuivre l’ennemi. Si par tes soins je pouvais être mis en possession de ces Pierres, cela me serait très agréable. Le très savant Matthiole rappelle la même histoire dans ses Commentaires, à propos d’un Iris à fleur dorée, qu’il dit être cultivé dans les jardins de la Bohême. Je voudrais utiliser avec soin sa semence, si cet Iris en donne, ou bien une ou deux racines. Pardonne, illustre Craton, si je suis un demandeur importun et si je détourne vers ces bagatelles ton esprit occupé par d’autres affaires plus sérieuses. Adieu, et dans l’occasion présente mes salutations empressées au généreux Jean Rediger, ainsi qu’à Sambucus, quand tu le verras.

Bruges, en Flandre, 10 des Cal. d’Avril 1567.

Ton bien affectionné Carol. Clusius A.