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DE CHARLES DE L'ESCLUSE
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de ces parties ? Je ne le sais pas encore. Becanus, homme très docte, médite d’autres travaux : il n’est pas douteux qu’ils seront très savants. Je ne puis pas ne pas me persuader que les travaux de Gesner ne fassent l’objet d’un gros volume, s’il est permis de le conjecturer d’après ses autres œuvres ; mais les travaux de cette nature paraissent plus somptueux et laborieux qu’ingénieux. Il y a en Angleterre certains auteurs qui méditent aussi d’écrire quelque ouvrage, et cela me fait presque regretter de m’être essayé également dans cette même étude, après tant d’illustres écrivains : quel fruit puis-je, en effet, retirer de mes inepties, si ce n’est de prêter à rire à tous les savants ? Adieu, illustre Craton.

Anvers, 3 des nones de Décembre 1569.
Ton bien affectionné, Carolus Clusius A.

Comment doit-on interpréter la fin de cette lettre qui semble exprimer un profond découragement ? Peut-être ne faut-il y voir que le sentiment de défiance de lui-même que peut avoir un novateur. Charles de l’Escluse rédigeait alors son Histoire des plantes d’Espagne, en ne s’attachant qu’à les faire connaître botaniquement, d’après leurs caractères naturels. C’était son premier travail original qui est simplement descriptifs car l’auteur n’avait pas qualité pour traiter des propriétés médicinales des plantes, ainsi que le faisaient à cette époque les autres descripteurs qui, eux, étaient médecins. Charles de l’Escluse pouvait donc craindre soit l’insuccès de son ouvrage, soit la critique malveillante des savants contemporains. Il devançait seulement son époque, car il suffit de rappeler dans quel discrédit devait tomber plus tard le fatras de cette ridicule pharmacopée, qui grossit bien inutilement les ouvrages descriptifs du xvie siècle.

Les deux lettres qui font suite ne sont pas les moins curieuses de toutes celles publiées par Treviranus, La première de ces lettres n’est point datée, mais on comprend quelle n’a dû précéder que de peu de temps la seconde, datée de 1571.