Page:Eschyle - Les Perses, 1896, trad. Herold.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
20
LES PERSES

leurs nefs, chacun s’en ira de son côté, et tous, par une fuite clandestine, sauveront leur vie. » Et Xerxès, dès qu’il eut entendu ces paroles, sans deviner la ruse de l’homme ni la jalousie des Dieux, donna l’ordre que voici à tous les commandants de navires : « Quand le soleil aura cessé d’échauffer la terre de ses rayons, quand l’obscurité aura envahi la région de l’éther, rangez sur trois lignes le gros des navires, pour qu’ils gardent les issues et les passages maritimes ; et que le reste, en cercle, enveloppe complètement l’île d’Ajax. Et, si les Hellènes échappaient à leur mauvais destin, s’ils trouvaient, pour leurs vaisseaux, quelque secret moyen de fuir, les commandants payeraient de la tête une surveillance négligée. » Ainsi ordonna-t-il, l’âme très confiante ; car il ne prévoyait pas ce que lui réservaient les Dieux. Les Perses, sans désordre, pleins d’obéissance, préparèrent le repas du soir, et les matelots lièrent les rames aux chevilles du bord. Après que la lumière du soleil se fût éteinte, comme la nuit arrivait, tout homme, qu’il dirigeât la rame ou portât les armes, s’en alla dans son navire ; derrière chaque rang de vaisseaux s’allongeait un autre rang, on naviguait dans l’ordre prescrit, et, toute la nuit, les chefs guidèrent le peuple des matelots de manière que fussent fermés les détroits. Cependant la nuit s’écoulait et l’armée des Hellènes ne se préparait guère à une fuite secrète. Et quand le jour aux chevaux blancs fut venu, de sa splendeur, éblouir toute la terre, on entendit, du côté des Hellènes, la mer qui retentissait de la clameur sacrée des hymnes, chant que répétaient hautement les échos rocheux de l’île. Et la crainte s’emparait des Barbares trompés dans leur espoir : car ce n’était pas en hommes qui fuient que les Hellènes chantaient le pæan vénérable, c’était en hommes qui s’élancent à la bataille avec une intrépide hardiesse ; et le cri de la trompette enflammait les courages.