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LES PERSES

Bientôt, au rhythme des chants marins, et d’un coup unanime, les ennemis frappent l’onde salée avec les rames bruyantes, et, très vite, nous les vîmes tous apparaître. L’aile droite, en bon ordre, s’avançait la première, et le gros de la flotte venait ensuite, bien rangé ; et, de toutes parts, on entendait s’élever ce grand cri : « Allez, fils des Hellènes ; délivrez la patrie, délivrez vos enfants et vos femmes, délivrez les temples des Dieux antiques et les tombeaux des ancêtres : c’est l’heure de la lutte suprême. » Et, de notre côté, leur répondait le cri confus de la langue perse, car il n’était plus temps d’hésiter. Et voici que le navire crève le navire, de sa proue d’airain sonore : ce fut un vaisseau hellénique qui commença l’attaque, et il fracassa les agrès d’un vaisseau phénicien. Les deux flottes se heurtèrent. D’abord, le torrent de l’armée persique résistait : mais, quand la multitude de nos vaisseaux eut été resserrée dans les détroits, ils ne purent se secourir les uns les autres ; ils se frappaient entre eux de leurs éperons d’airain, ils brisaient leur appareil de rames. Les nefs des Hellènes eurent l’adresse d’entourer les nôtres : les carènes étaient renversées, et l’on ne pouvait plus voir la mer : il n’y avait que des débris de navires et des cadavres. À force de rames, tous les vaisseaux fuyaient, sans aucun ordre, ceux du moins de la flotte barbare. Comme des thons, ou d’autres poissons pris au filet, les Perses étaient frappés par les Hellènes, et assommés à coups de rames ou de planches brisées. Et les chants de triomphe et les lamentations se mêlèrent sur les ondes maritimes, jusqu’à l’heure où s’ouvrit l’œil noir de la nuit ; et alors nous avons pu nous arracher aux Hellènes. Je ne pourrais t’énumérer tous les maux que nous avons soufferts, quand même je parlerais pendant dix jours ; car, sache-le bien, jamais, en une seule journée, un si grand nombre d’hommes n’a péri.