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Encore un recueil de vers ! — Dans un moment où la presse déborde de toutes parts, où la prose étouffe la poésie, où la curiosité populaire, concentrée sur deux ou trois célébrités lyriques, refuse obstinément d’élargir ses limites. Sans doute il est imprudent et téméraire à un jeune homme sans nom d’affronter les hasards de la publication : c’est jeter un livre dans l’abîme pour le plaisir d’écouter le bruit qu’il fera en s’engloutissant, À l’exception de quelques âmes privilégiées qui sentent encore la poésie, de quelques hommes dévoués à l’art par sympathie ou par profession, de quelques amis de l’auteur qui penseront avec ses pensées et qui sentiront avec son âme, personne ne s’apercevra en France de l’apparition de ce volume. N’importe : c’est un sacrifice fait à l’art, et l’auteur regrette seulement de ne pas lui en offrir un plus digne de son siècle.

On sait, du reste, qu’aucune réputation poétique n’est désormais regardée comme de bon aloi avant d’avoir passé par l’épreuve de la mort. André Chénier (c’est-à-dire tout ce qu’il y avait de poésie en France à la fin du dernier siècle) monte sur l’échafaud : rien de plus prosaïque que sa fin. Un homme coupé en deux par le bourreau, une tête bondissant sur le pavé, le tronc charié dans