Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/178

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la commune allaient mal, il les consolait de la sorte :


L’âne du commun est toujours le plus mal bâté.


Et ainsi de suite ; il n’était jamais à court.

Il les faisait bon voir tous les deux, le frère et la sœur, aller à la messe, le dimanche, habillés à la mode de l’ancien temps. Lui, en habit à la française de drap bleu de roi, avec un grand gilet broché, une culotte de bouracan, des bas chinés l’été, de hautes guêtres de drap l’hiver, de bons souliers à boucle d’acier, et un tricorne noir bordé sur ses cheveux gris attachés en queue, représentait bien le gentilhomme campagnard d’avant la Révolution. Elle, avec sa coiffe à barbes de dentelles, son fichu de linon noué à la ceinture, par derrière, sa jupe de pékin rayé qui laissait voir la cheville mince et le petit soulier, son tablier de soie gorge-de-pigeon et ses mitaines tricotées, mince de taille, de démarche légère, semblait une jeune demoiselle d’autrefois, n’eût été ses cheveux blancs.

À la sortie, elle prenait le bras de son frère, tenant de l’autre main son livre d’heures, et, sur la petite place, tout le monde venait les saluer et les complimenter, tant on les aimait. Et elle voyait là tout son monde, s’informait de ses pauvres, des malades, emmenait les gens chez elle, distribuait des nippes aux uns, une bouteille de vin vieux, de la cassonade, du miel, aux autres. Ce jour-là, elle donnait les affaires