Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/179

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

auxquelles elle avait travaillé dans la semaine : bourrasses, ou langes, et brassières pour les petits nourrissons, cotillons et chemises pour les pauvres femmes. Elle et le curé connaissaient tout le pays sur le bout du doigt, et ils se renseignaient l’un l’autre sur les gens. Ce que l’un était mieux à même de faire, il le faisait ; et ces deux cœurs d’or, ces charitables amis des malheureux, ne s’arrêtaient pas aux bornes de la paroisse, ils ne craignaient pas d’empiéter chez les autres, heureusement, car aux environs, ni même à beaucoup de lieues à la ronde, on ne trouvait guère de curés et de nobles comme ceux-ci.

Moi, dans le commencement, j’étais tout étonné de voir ça. Avant celui de Fanlac, je n’avais connu en fait de curés que dom Enjalbert, le chapelain de l’Herm, qui nonobstant son gros ventre avait l’air d’un fin renard, d’un attrape-minon, et puis le curé de Bars, mauvais avare bourru, qui avait du cœur comme une pierre. De nobles, je n’avais vu que le comte de Nansac, orgueilleux et méchant, qui était la cause de tous mes malheurs. Aussi dans ma tête d’enfant il s’était formé cette idée que les curés et les nobles étaient tous des mauvais. À mon âge, cette manière de raisonner était excusable, d’autant plus que je n’étais jamais sorti de nos bois ; et il y a pas mal de gens, plus âgés et plus instruits que je ne l’étais, qui raisonnent de cette façon. Mais en voyant com-