Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/222

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leurs. Pourtant, je ne sais ce qu’ils auraient pu y voler. Les murs blanchis à la chaux, verdis çà et là par l’humidité, n’avaient pas de riches tableaux, ils étaient nus, excepté au-dessus de l’autel, où un vilain barbouillage, dans un cadre de bois peint en jaune pour imiter l’or, représentait le bon Dieu, avec une belle barbe, recevant saint Rémy dans le paradis. Ce tableau n’avait jamais été beau, sans doute, et il était très vieux, de manière que les couleurs passées s’écaillaient par endroits, emportant le nez du saint ou l’œil d’un ange qui jouait de la flûte. L’autel était peint en gris, avec des filets bleus autrefois. Les grands chandeliers étaient de bois badigeonné d’un jaune d’or, maintenant terni, ainsi que toutes les couleurs dans cette chapelle humide, qui sentait le moisi et comme le relent des plaies qu’on y étalait depuis des siècles. Sur une petite table recouverte d’une sorte de nappe, par côté du chœur, était une statue de saint Rémy en bois, qui avait l’air d’avoir été faite par le sabotier d’Auriac, tant elle était mal taillée. On l’avait bien passée en couleurs depuis peu, pour la rendre un peu plus convenable, mais la robe bleue de charron et le manteau rouge d’ocre n’embellissaient guère ce pauvre saint.

Je la fis voir à Lina en lui disant à l’oreille :

— J’en ferais bien autant avec une serpe !

— Écoute la messe, fit-elle en souriant.

C’était le curé d’Auriac qui la disait, qui la