Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/318

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On dira peut-être : « Comment se fait-il que le comte et sa famille, qui étaient si dévots, fussent si méchants ? »

Ah ! voilà… C’est que ces gens-là étaient, comme tant d’autres, des catholiques à gros grains, pour qui la religion est une affaire de mode, ou d’habitude, ou d’intérêt, et qui, ayant satisfait aux pratiques extérieures de dévotion, ne se gênent pas pour lâcher la bride à leurs passions et s’abandonner à tous leurs vices.

Le comte était orgueilleux, injuste, méchant, capable de tout, et ses filles étaient folles, insolentes et libertines. Ni les uns ni les autres n’avaient jamais fait de bien à personne autour d’eux, mais, au contraire, beaucoup de mal. Avec ça, ayant un chapelain à leur service, ne manquant jamais la messe, et communiant tous aux bonnes fêtes.

Cela ne leur était pas particulier, d’ailleurs. Depuis la chute de l’Empire, et la rentrée en France de celui qu’on appelait : « notre père de Gand », la religion était devenue pour la noblesse une affaire de parti. Les gentilshommes, philosophes avant la Révolution, affectaient maintenant des sentiments religieux pour mieux se séparer du peuple devenu jacobin et indévot, tout comme autrefois ils étaient incrédules pour se distinguer du populaire encore englué dans la superstition. Il y en avait pourtant qui avaient persisté dans leur irréligion, comme le vieux marquis, lequel, au lit de mort avait nettement