Page:Eugène Le Roy - Jacquou le Croquant.djvu/319

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refusé les bons offices de dom Enjalbert ; mais ils étaient rares. Par contre, il y avait parmi les nobles des catholiques sincères, comme la défunte comtesse de Nansac ; mais ceux-là aussi étaient rares.

Aujourd’hui on voit les gros bourgeois, emparticulés et autres, marcher avec les nobles et les singer. Mais les uns et les autres sont moins zélés que jadis, et font moins bien les choses. Il en est beaucoup, de tous ceux-là, qui se jactent d’être bons catholiques, dont toute la religion consiste à demander avec affectation de la merluche le vendredi dans les hôtelleries, lorsqu’ils sont hors de chez eux, et qui seraient diablement embarrassés de montrer le curé qui leur fourbit la conscience.

Mais, au temps dont je parle, je ne pensais pas à tout cela. Toutes ces histoires de Jean me travaillaient bien un peu par moments, outre ce que je savais du comte de Nansac, mais qu’y faire ? ouvrir l’œil : c’est bien ce que je faisais, mais on a beau se méfier, celui qui guette a l’avantage. Quelquefois, — la nuit, — je rencontrais dans la forêt des gens seuls, ou en petite troupe de deux ou trois, s’en allant à grands pas, leurs bonnets enfoncés sur les yeux, une grosse trique à la main, se jetant bien vite dans les fourrés lorsqu’ils oyaient quelqu’un. Des fois, ils portaient des sacs bondés ; d’autres fois, ils avaient leur havresac gonflé sous la blouse, comme des gens qui vont au marché. Ceux-là,