Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/280

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

voyait son beau-père ; M. de Légé, qui ne l’aimait pas, eût fort mal pris cette velléité libertine. Avec son air sévère et ce diable de hochement de tête, le personnage lui imposait : il se révoltait en lui-même contre cet ascendant, mais il le subissait toujours.

L’abbé de Bretout, familier au château en sa double qualité d’oncle et de curé, s’efforçait bien de parer aux dispositions peu bienveillantes du père et de la fille envers le gendre et mari, et de mettre dans les rapports de l’un et de l’autre avec celui-ci un peu de bonne volonté, à défaut de cordialité. Mais, malgré son adresse insinuante et ses paroles onctueusement persuasives, il n’y parvenait pas. Le neveu, instamment averti d’adoucir les angles de son caractère, — dont la rudesse confinait à la brutalité, — promettait bien, mais ne tenait pas toujours, surtout après les repas. L’oncle n’avait guère de succès, non plus, auprès de sa nièce par alliance, qu’il exhortait paternellement à prendre une attitude conjugale moins sévère. Bien qu’elle fût pour le reste une ouaille soumise, elle se retranchait, à ce propos, derrière le danger à courir, et, sentant la solidité de cette défense, elle ne s’en départait pas.

Avec le châtelain, le curé se bornait le plus souvent à des généralités ; il exprimait des vœux pour le bonheur de tous, ouvrait doucereusement des avis et parfois plaidait obliquement la cause de son neveu. Il rejetait bénignement sur son oisiveté ses écarts de manières, et, partant de là, essayait d’amener tout bellement M. de Légé à quitter, en faveur de son gendre, ses fonctions de maire et même à partager avec lui, pour la lui transmettre plus tard, la gestion de ses biens et de ses affaires privées : cela le retirerait du désœuvrement et lui donnerait l’habitude du