Page:Eugène Le Roy - L’Ennemi de la mort.djvu/310

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soigneusement entretenue par ses ennemis. « Ce n’est pas sans raison qu’il avait été appelé devant le procureur du roi, n’est-ce pas ?… »

Le vicomte de Bretout était à son ordinaire plus catégorique, surtout après déjeuner :

— Méfions-nous des drogues de ce médicastre Charbonnière !…

Maintenant il s’en tenait à ces boutades méchantes. La piteuse fin de ses deux affaires avec Daniel et avec Sylvia l’avait un peu refroidi à l’endroit des violences. Il enrageait encore de n’avoir pas pris la belle fille ; mais il passait son dépit avec d’autres. Et puis sa femme lui avait fait sa leçon :

— Vous n’êtes pas heureux avec ceux du Désert, lui avait-elle dit ironiquement, laissez faire d’autres plus adroits !…

La mauvaise humeur que la magistrature avait témoignée contre Daniel existait aussi à l’état latent dans l’administration politique : elle eut l’occasion de se manifester lorsqu’il réclama son mémoire sur la Double, dont il n’avait pas eu de nouvelles depuis l’envoi. Après plusieurs lettres demeurées sans réponse, il fut pendant quelques mois trimbalé de Caïphe à Pilate et de Pilate à Caïphe. Enfin, ayant atermoyé le plus longuement possible, épuisé les moyens dilatoires, l’administration finit par répondre de mauvaise grâce que le mémoire, confié à feu M. de Légé pour un rapport, n’avait pas été retrouvé dans ses papiers.

Voyant qu’il n’avait rien à espérer des fonctionnaires, tous indifférents au sort des paysans et hostiles à celui qui s’était fait leur avocat bénévole, Daniel abandonna la gent officielle et continua sans se décourager sa propagande personnelle. Dans son