Page:Eugene Simon - La Cité chinoise, 1891.djvu/328

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climat ; pour lui, le temps ne compte pas ; il a rempli l’espace ; il a presque supprimé l’outil[1].

Tous ces obstacles ont disparu. Jamais l’homme n’a remporté de plus brillantes victoires, et c’est pour qu’il les remportât que la société, inspirée par ses fondateurs, a voulu pour tous la propriété, et pour chacun, l’usufruit du sol ; c’est pour cela qu’elle a vaincu ses répugnances et glorifié l’engrais que nous considérons comme le plus abject. Nulle part la société n’a fait autant pour l’individu ; nulle part, l’individu ne lui doit à un pareil degré son existence et sa liberté. Et cependant il lui doit encore quelque chose d’infiniment plus précieux.

J’ai dit, dans un précédent chapitre, que le travail chez les Chinois n’était point une peine, mais une bénédiction, et l’on vient de voir qu’en effet la part de l’effort musculaire, mécanique, de la peine, est considérablement réduite ; et, du reste, où est la peine pour celui qui est sûr d’en recueillir les fruits et de ne s’en voir dépouillé ni par un propriétaire oisif, ni par les vicissitudes du climat ? Dans les conditions où se trouve le cultivateur chinois, le travail cesse d’être ce qu’il est ailleurs, et n’est vraiment plus qu’une question de soin, d’assiduité, d’adresse, de sagacité et de goût. Délivré de l’effort, de la peine et du souci, le paysan est devenu un artiste,

  1. Avec 50 francs, impôts compris, un champ suffisant à l’entretien d’une famille de deux ou trois personnes peut être labouré, semé et couvert de sa moisson. J’ai déjà dit et je montrerai un jour que la question de l’outillage industriel a été résolue en Chine de la même façon que celle de l’outillage agricole.