Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/17

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connu, j’ai compris cette vision terrible ! Ô Dieux souterrains, puissiez-vous avoir sauvé mon enfant, le seul, l’ancre de ma famille, qui habite la Thrèkè neigeuse sous la garde de l’hôte paternel ! Il y aura quelque chose de nouveau ; celles qui gémissent diront quelque chant lamentable. Jamais mon esprit n’a frémi ni tremblé ainsi sans repos. Où rencontrerai-je, ô Trôiades, l’âme divine de Hélénos ou de Kasandra pour qu’ils m’expliquent ces songes ? Car j’ai vu une biche tachetée, violemment et lamentablement arrachée de mes genoux, égorgée par l’ongle sanglant d’un loup. Et j’ai eu cette autre terreur : le spectre d’Akhilleus s’est dressé au faîte de son tombeau, et il demandait en récompense quelqu’une des Trôiades accablées d’innombrables maux. Ô Daimones, détournez ceci de ma fille, loin de ma fille, je vous en conjure !

LE CHŒUR.

Hékabè, je me hâte de venir à toi, quittant les tentes de mes maîtres, là où le sort m’a envoyée, où je suis devenue esclave, ayant été chassée de la ville d’Ilios que les Akhaiens ont conquise par la lance. Je n’allégerai aucun de tes maux, et je t’apporte le fardeau d’un lourd message, et je serai pour toi, ô femme, un héraut de douleurs, car il a plu au synode des Akhaiens que ta fille fût offerte en victime à Akhilleus. Tu sais qu’il s’est montré, sur le faîte de son tombeau, sous des armes d’or, et qu’arrêtant les nefs prêtes à traverser la mer et dont les voiles étaient déjà tendues, il a crié ceci : — Où allez-vous, Danaens, laissant mon tombeau sans récompense ? — Alors, une tumultueuse discorde éclata, et l’armée guerrière des Hellènes se partagea en deux pensées contraires, les uns