Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/18

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voulant qu’on offrît une victime au tombeau, et les autres ne le voulant pas. D’un côté, Agamemnôn, plein de zèle pour toi et honorant le lit de la Bakkhante prophétique, et, d’un autre côté, les deux Thèséides, sortis d’Athènes, soutenaient un avis différent ; mais tous étaient unanimes à vouloir qu’on honorât par un jeune sang le tombeau d’Akhilleus, disant qu’on ne devait point préférer le lit de Kasandra à la lance d’Akhilleus. Et les efforts de ces pensées contraires se balançaient, jusqu’à ce que le Laertiade, subtil, rusé, plein de douces paroles et flattant le peuple, eut persuadé à l’armée de ne point repousser le plus vaillant de tous les Danaens en faveur d’une victime esclave, afin qu’aucun mort ne pût dire, debout auprès de Perséphona, que les Danaens étaient partis des plaines de Troia, ingrats envers les Danaens morts pour les Hellènes. Et Odysseus viendra bientôt arracher la jeune fille de ton sein et de tes vieilles mains. Va ! cours aux temples, aux autels, jette-toi aux genoux d’Agamemnôn, invoque tous les Dieux, les Ouranides et les Souterrains. Car il faut, ou que tes supplications te sauvent de la perte de ta malheureuse enfant, ou que tu te résignes à voir la vierge rouler devant le tombeau, empourprée par le sang qui ruissellera, éclatant, de son cou paré d’or.

HÉKABÈ.

Hélas ! misérable que je suis ! Que dirai-je ? Quel cri pousser, quelle lamentation ? Malheureuse d’une misérable vieillesse et d’un esclavage insupportable ! Hélas sur moi ! Qui me défendra ? Quelle race, et quelle ville ? Le vieillard est parti, les enfants sont partis ! Où aller ? Ici, ou là ? Où irai-je ? Quel Dieu, quel Daimôn me viendra en aide ?