Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/24

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seront toujours heureux. Moi aussi j’étais autrefois, et maintenant je ne suis plus, et un seul jour m’a enlevé tout mon bonheur. Ô cher menton, respecte-moi, aie compassion ! et, de retour vers l’armée Akhaienne, avertis-la, dis-lui qu’il est haïssable de tuer des femmes que vous avez d’abord épargnées en les arrachant des autels et dont vous avez eu pitié. Il y a parmi vous, en ce qui concerne le sang, une même loi pour les hommes libres et pour les esclaves. Tu les persuaderas par ton autorité, si ce n’est par tes paroles, car le même discours a une force inégale, venant d’un homme sans réputation ou d’un homme illustre.

LE CHŒUR.

Il n’est point de nature d’homme si inexorable qui ne répandît des larmes en entendant tes sanglots et tes lamentations profondes.

ODYSSEUS.

Hékabè, sois avertie, et que, dans ton cœur, la colère ne te fasse point regarder comme un ennemi celui qui parle sagement. À la vérité, je suis prêt à te sauver la vie que je te dois, et je le dis encore ; mais je ne désavouerai pas les paroles prononcées devant tous les Akhaiens. Troia étant prise, il faut donner ta fille en sacrifice au premier homme de l’armée, puisqu’il la demande. C’est un malheur pour la plupart des villes qu’un homme illustre et plein de courage ne reçoive rien de plus que les lâches. Mais Akhilleus est digne d’honneurs, lui qui est mort héroïquement pour la terre de la Hellas. Or, n’est-il