Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/25

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pas honteux de se servir d’un ami vivant et de l’oublier quand il est mort ? Soit ! mais que dira chacun, si on assemble une autre armée et si une nouvelle guerre se prépare ? Combattrons-nous, ou préfèrerons-nous vivre, en voyant que le mort n’est point honoré ? Pour moi, du moins, peu me suffirait pendant ma vie, mais je voudrais que mon tombeau fût honoré, car c’est là une récompense qui dure à travers les temps. Si tu prétends subir des maux déplorables, apprends ceci de moi : il y a parmi nous de vieilles femmes non moins malheureuses que toi, et des vieillards et de jeunes épouses privées de jeunes époux très vaillants dont la poussière Idaienne couvre les corps. Supporte ces maux. Pour nous, si c’est à tort que nous honorons l’homme brave, on ne nous reprochera que cette ignorance ; mais vous, Barbares, ne traitez point vos amis en amis, n’honorez point ceux qui sont morts bravement, afin que la Hellas prospère et que vous subissiez des destinées conformes à vos pensées.

LE CHŒUR.

Hélas ! hélas ! qu’être esclave est une chose misérable ! Qu’il est amer, dompté par la force, d’endurer ce qu’on ne devrait pas supporter !

HÉKABÈ.

Ô fille, certes, mes paroles se sont dissipées en l’air, vainement dites au sujet de ton meurtre ; mais toi, si tu as plus de puissance que ta mère, exhale toutes les voix du rossignol et tente de te sauver de la mort. Tombe lamentablement aux pieds d’Odysseus, et persuade-le. Tu