Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/290

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MÈDÉIA.

Je ferai ainsi. Mais rentre dans la demeure, et prépare pour les enfants ce qui leur est nécessaire chaque jour. Ô fils ! fils ! vous avez désormais une cité, une demeure dans laquelle, sans moi, malheureuse, vous habiterez toujours, privés de votre mère ! Et moi, j’irai, exilée, sur une autre terre, avant d’avoir joui de vous, de vous avoir vus heureux, de vous avoir mariés, d’avoir orné vos lits nuptiaux et vos fiancées, et d’avoir, pour vous, allumé les flambeaux. Oh ! malheureuse que je suis à cause de ma présomption ! Ô fils, je vous ai donc élevés en vain ! C’est en vain que je me suis tant fatiguée et consumée de soucis, et souffert les cruelles douleurs de l’enfantement ! Certes, autrefois, malheureuse, j’avais mis de grandes espérances en vous, afin d’être nourrie par vous dans ma vieillesse, et, morte, d’être ensevelie de vos mains, chose désirée par les hommes. Et maintenant cette chère espérance n’est plus ! Car privée de vous, je traînerai une vie triste et cruelle. Et vous, de vos chers yeux, vous ne verrez plus votre mère, et vous connaîtrez une autre existence. Hélas ! hélas ! Pourquoi me regardez-vous, enfants ! Pourquoi me souriez-vous de ce suprême sourire ? Hélas ! Que ferai-je ? Le cœur me défaille, femmes, en voyant le regard joyeux de mes enfants. Je ne pourrai pas ! Que mes premiers desseins soient oubliés ! J’emmènerai mes fils hors de cette terre. Qu’est-il besoin de punir leur père par leur propre malheur, et de me faire à moi-même tant de mal ? Non ! je ne ferai jamais cela ! Je renonce à mes desseins. Mais quoi ! Puis-je souffrir d’être un objet de risée en laissant mes ennemis impunis ? Il faut agir. Oh ! que je suis lâche de livrer mon cœur à ces faiblesses ! Enfants, entrez dans les demeures. Pour celui à