Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/296

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première fois que la vie humaine n’est qu’une ombre. Et je dirai sans crainte que ceux qui passent pour sages parmi les hommes, que les plus grands parleurs, sont les plus atteints de démence. Aucun des mortels n’est heureux. Par l’abondance des richesses il se peut que l’un soit plus fortuné que l’autre, mais jamais heureux.

LE CHŒUR.

Un Daimôn semble devoir infliger, en ce jour, et avec justice, des maux sans nombre à Iasôn. Ô malheureuse ! combien nous avons pitié de ta mauvaise destinée, fille de Kréôn, toi qui es partie, à cause des noces de Iasôn, pour les demeures du Hadès !




MÈDÉIA.

Amies, j’ai résolu de tuer très promptement mes enfants et de quitter cette terre, et de ne point tarder afin de ne point les livrer à quelque autre qui les tuerait d’une main plus cruelle. Il est nécessaire qu’ils meurent, et je les tuerai moi-même, moi qui les ai enfantés. Allons ! arme-toi, mon cœur ! Pourquoi tarderais-je à accomplir ce mal cruel mais nécessaire ? Et toi, misérable main, saisis l’épée, saisis-la ! Va vers la triste borne de la vie, ne sois pas lâche, ne te souviens pas de tes enfants, et qu’ils te sont très chers et que tu les as enfantés. Pour un seul jour, oublie tes fils ; tu gémiras après ! Je les tuerai, et ils me sont chers assurément, et je suis une femme malheureuse !