Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/602

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LE CHŒUR.

Consens ! Il est bien de conserver ses enfants, Agamemnôn ! Aucun des mortels ne dira le contraire.

IPHIGÉNÉIA.

Si j’avais l’éloquence d’Orpheus, ô père ! et si je pouvais, en chantant, persuader les rochers de me suivre et attendrir qui je voudrais par mes paroles, j’y aurais recours ; mais, pour toute éloquence, je t’offrirai mes larmes ; je ne puis que cela. Je mets à tes genoux, comme un rameau des suppliants, mon corps que celle-ci t’a enfanté. Ne me tue pas avant le temps, car il est doux de voir la lumière ! Ne me force pas de voir les choses qui sont sous la terre ! La première, je t’ai appelé mon père, et tu m’as appelé ta fille ; la première, sur tes genoux, j’ai donné et reçu de douces caresses ! Et, alors, tu me parlais ainsi : — Te verrai-je, ô enfant, heureuse dans les demeures d’un mari, vivante et florissante, comme il est digne de moi ? — Et je te disais à mon tour, suspendant mes bras à ton cou et pressant tes joues de mes mains, comme maintenant : — Et moi, te verrai-je vieillir, père, dans la douce hospitalité de mes demeures, te rendant les soins que tu as pris pour me nourrir ? — J’ai gardé le souvenir de ces paroles, mais toi, tu les as oubliées, et tu veux me tuer ! Non ! Je t’en conjure par Pèlops, par ton père Atreus, par cette mère qui m’a enfantée et qui souffre une seconde fois les douleurs de l’enfantement ! Qu’y a-t-il entre moi et les noces d’Alexandros et de Hélénè ? Pourquoi, ô père, est-il venu pour ma mort ? Regarde-moi ! Donne-moi un regard et un baiser, pour que j’emporte au moins en mourant un gage de