Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/620

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et couronna la tête de la jeune fille. Mais le fils de Pèleus, ayant saisi à la fois la corbeille et l’eau des libations, courut autour de l’autel de la Déesse, et dit : — Ô fille de Zeus, Artémis, qui te réjouis du meurtre des bêtes fauves et qui répands dans la nuit ta claire lumière, reçois cette victime que t’offrent l’armée des Akhaiens et le Roi Agamemnôn ! C’est le sang pur de la belle gorge d’une vierge. Accorde-nous de naviguer heureusement et de renverser par la lance les citadelles de Troia ! — Et les Atréides et toute l’armée regardaient contre terre. Et le sacrificateur, ayant saisi l’épée et prié, examina l’endroit de la gorge où il frapperait. Et une lourde angoisse opprimait mon cœur, et je restais regardant la terre. Alors, brusquement, un prodige se manifesta, car chacun avait entendu clairement le coup, mais personne ne put voir ce que la vierge était devenue. Et le sacrificateur s’écrie, et toute l’armée pousse des clameurs en face de ce prodige inattendu de quelque Dieu, et qu’on ne pouvait croire, même en le voyant. Une biche, grande et admirablement belle, gisait palpitante sur la terre, et l’autel de la Déesse était abondamment inondé de son sang. Alors avec combien de joie ne penses-tu pas que Kalkhas s’écria : — Ô chefs de l’armée des Akhaiens, voyez-vous cette victime, cette biche des montagnes, que la Déesse a jetée sur l’autel ? Elle l’a préférée à la jeune fille, afin de ne point souiller l’autel d’un noble sang ! Elle accepte ce sacrifice, elle nous accorde une heureuse navigation et la prise d’Ilios. C’est pourquoi, vous tous, soldats de la flotte, prenez courage et courez aux nefs, car il nous faut, en ce jour, ayant quitté les creuses retraites d’Aulis, traverser la mer Aigaienne ! — Et après que la victime eût été brûlée tout entière par la flamme de Hèphaistos,