Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 2.djvu/122

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craint de nommer. Là se tient ce tribunal révéré au quel Jupiter soumit le dieu Mars, pour avoir souillé ses mains dans le sang. Arrivé dans cette ville, nul hôte ne voulut d’abord m’y recevoir, comme en horreur aux dieux : ceux qui respectaient encore les droits de l’hospitalité me reçurent à une table solitaire, quoique habitant sous le même toit, et par leur silence ils me réduisaient aussi à me taire ; pour m’empêcher de partager leur boire et leur manger, ils avaient chacun leur coupe, toutes pareilles, dans lesquelles ils versaient le vin pour se livrer au plaisir de la table. Et moi, je n’osais me plaindre à mes hôtes ; mais, dans ma douleur silencieuse, j’avais l’air de n’y pas prendre garde, tout en gémissant au fond de l’âme, parce que j’étais le meurtrier de ma mère. J’ai appris qu’à Athènes mon malheur avait donné lieu à une fête, et que l’usage se conserve encore chez le peuple de Minerve de la célébrer en l’honneur des coupes. Quand je fus arrivé sur la colline de Mars et que je comparus en jugement, je me plaçai sur un des sièges, et la plus vieille des Furies