Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 2.djvu/168

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maison d'Atrée ; mais je montrerai le sort de Troie plus digne d'envie que celui des Grecs ( car le dieu qui m'obsède suspend un instant ses fureurs), eux qui, pour la possession d'une seule femme, pour reprendre Hélène, ont fait périr des milliers de guerriers. Un général prétendu sage sacrifie à ses ennemis ce qu'il a de plus cher, les jouissances de la tendresse, ses enfants, qu'il livre à son frère pour une infidèle qui n'a point été ravie par force, mais s'est donnée elle-même à son amant. Arrivés aux bords du Scamandre, ils y trouvent la mort sans avoir perdu leur terre natale, sans être bannis des murs de leur patrie. Ceux que Mars a moissonnés n'ont pas revu leurs enfants ; les mains de leurs épouses ne les ont pas enveloppés des voiles funèbres, et ils sont restés couchés sur la terre étrangère. Mêmes désastres dans leurs foyers domestiques : les femmes y mouraient veuves des pères privés de leurs enfants, qu'ils ont élevés pour autrui. Il n'est personne qui fasse couler sur leur tombeau le sang des victimes. Certes voilà une expédition bien glorieuse ! Que ma muse reste sans voix, plutôt que de célébrer des crimes. Les Troyens, au contraire, sont morts pour leur patrie (ce qui est la plus belle des gloires); ceux que le fer a fait périr ont été rapportés dans leurs maisons par leurs amis, ils ont reçu la sépulture sur la terre de leurs pères, des mains de ceux à qui appartenait ce saint devoir. Ceux des Phrygiens qui ne sont pas morts dans les combats ont passé leurs jours au milieu de leurs enfants et de leurs épouses, bonheur refusé aux Grecs. Quant au destin d'Hector, si cruel à tes yeux, écoute ce qu'il en est : il est mort en laissant le renom d'un héros (29), et c'est à la venue des Grecs