Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 2.djvu/170

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odieux à tous les mortels? Tu prétends que ma mère doit aller dans le palais d'Ulysse ? Que devient donc l'oracle par lequel Apollon m'a révélé qu'elle doit mourir en ces lieux? Pour ce qu'il me reste à dire, ce ne sont point des outrages. Le malheureux Ulysse ne prévoit pas tous les maux qui l'attendent. Les miens et ceux des Phrygiens lui sembleront doux en comparaison. Après dix ans de travaux ajoutés à ceux qu'il a passés devant Troie, il reviendra seul dans sa patrie, s'il échappe au dangereux détroit qu'habite la terrible Charybde, au sauvage Cyclope qui se repaît de chairs crues, à l'enchanteresse Circé, qui change les hommes en pourceaux, aux naufrages de la mer orageuse, au fruit séduisant du lotos et aux bœufs sacrés du Soleil, dont la chair mugissante le remplira d'effroi ; enfin il descendra vivant dans l'empire des morts, et n'échappera aux dangers de la mer que pour voir sa maison en proie à mille calamités (31).

Mais (32) à quoi bon raconter les aventures d'Ulysse? Pars, pour que je m'unisse au plus tôt à mon époux. Tu auras une triste sépulture digne de toi, enveloppée des ombres de la nuit et dérobée à la lumière du jour, général des Grecs, qui te crois dans une si haute fortune. Et moi, mon corps sans vie, jeté dans les vallées qu'arrosent les torrents, sera couché près du tombeau nuptial, et la prêtresse d'Apollon servira de pâture aux animaux sauvages. Adieu, ô couronnes du dieu que j'ai chéri entre tous ; ornements prophétiques, adieu! J'abandonne les fêtes qui faisaient mes plaisirs. Loin de mon corps pur et sans tache ces ornements inutiles; arrachés par mes mains, j'en livre