Page:Euripide - Théâtre, Artaud, 1842, tome 2.djvu/189

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éloquence; car elle parle bien tout en faisant le mal, et c'est un art funeste.

HÉCUBE.

[969] C'est la cause des déesses mêmes que j'entreprends de défendre, en prouvant la fausseté de ses paroles. Non, je ne crois point que Junon, que la chaste Pallas aient poussé la démence, l'une jusqu'à vouloir vendre Argos aux Barbares, l'autre jusqu'à soumettre Athènes au joug des Phrygiens, en venant parmi les jeux et les plaisirs disputer sur l'Ida le prix de la beauté. Car, qui pouvait inspirer à Junon cette ardeur de paraître belle? ambitionnait-elle un époux plus grand que Jupiter? Minerve recherchait-elle pour époux quelqu'un des dieux, elle qui, fuyant l'hymen, n'a demandé à son père qu'une 'éternelle virginité? N'accuse pas les déesses de folie pour parer tes vices, tu ne persuaderas pas les sages. Tu as dit que Vénus (assertion bien ridicule) accompagna mon fils dans la maison de Ménélas : n'aurait- elle pas pu, en restant tranquille dans le ciel, te transporter avec Amyclé (44) elle-même dans Ilion? Mon fils était d'une rare beauté, et à sa vue ton cœur s'est personnifié en Vénus. Les passions impudiques des mortels sont en effet la Vénus qu'ils adorent, et ce n'est pas sans raison que le nom de la déesse ressemble au nom de l'ardeur amoureuse (45). Dès que Pâris s'offrit à ta vue, brillant de l'éclat de l'or et de tout le luxe des Barbares, le délire s'empara de ton âme ; dans Argos, ta vie était bornée à de modiques ressources, et tu te flattais, en renonçant à Sparte, que la capitale de la Phrygie, où l'or coulait à grands flots,