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ION.

Le Chœur

Je ne puis te le dire, vieillard. Mais pour que tu saches tout ce que je puis t’apprendre, Xuthus est sorti pour offrir un sacrifice destiné à célébrer la naissance de son fils, et l’hospitalité qu’il lui donne ; il est allé dans les tentes sacrées[1] à l’insu de son épouse, pour y donner un festin avec son fils.

Le Vieillard

Ô ma maîtresse, ton époux nous trahit (car tes maux sont les miens), il nous outrage avec intention, il nous bannit du palais d’Érechthée. Je n’ai point de haine pour ton époux, mais je t’aime mieux que lui, étranger à notre ville et à ta famille, lui qui, après t’avoir épousée, après avoir recueilli tout ton héritage, a des enfants d’un commerce clandestin avec une autre femme. Ce commerce clandestin, je vais l’expliquer : Lorsque Xuthus te vit stérile, il ne put se résoudre à partager ton infortune ; il s’unit à quelque esclave, dont il eut secrètement ce fils ; il l’envoya au loin, à quelque citoyen de Delphes, pour l’élever ; celui-ci, abandonné dans le temple pour y vivre caché, y reçut l’éducation. Son père, lorsqu’il le sut parvenu à l’âge de l’adolescence, t’engagea à venir consulter l’oracle sur ta stérilité. Le dieu n’a pas menti, c’est lui qui a menti en élevant un fils illégitime et en machinant ses tromperies : si la fraude eût été découverte, il aurait consacré son fils au dieu ; si elle réussissait, il se réservait de le dédommager du passe, en lui transmettant sa puissance royale. Et il forge à loisir ce nouveau nom d’Ion, sans doute parce qu’il l’a rencontré au sortir du temple.

  1. Dans les fêtes solennelles en l’honneur des dieux, lorsque l’affluence était trop grande, on dressait dans le voisinage des temples des tentes destinées à recevoir la foule, et on y célébrait des banquets. Telle était chez les Juifs la fête des Tabernacles.