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ION

Oh ! combien je hais les pervers qui font le mal, et qui ensuite le parent de leurs artifices ! J’aime mieux pour ami un esprit simple, mais honnête, qu’un méchant à l’esprit délié. Et pour comble de maux, tu verras un homme qui n’a pas de mère, un être méprisable, le fils d’une esclave, faire le maître dans ta maison. Le mal serait moindre sans doute si, faisant valoir auprès de toi le prétexte de ta stérilité, il eût introduit dans ta famille l’enfant d’une femme de noble naissance ; et si le sacrifice était trop pénible pour toi, il aurait dû chercher une nouvelle épouse dans la famille d’Éole[1]. Après un tel outrage, il te faut une vengeance digne de ton sexe ; arme ta main du poignard, dresse quelque piège ou prépare le poison pour faire périr ton époux et son fils, avant qu’eux-mêmes ne te donnent la mort. Si tu faiblis en cette rencontre, tu perdras la vie : de deux ennemis réunis sous le même toit, l’un ou l’autre doit succomber. Pour moi, je veux être de moitié avec toi dans l’entreprise, et immoler le fils, en pénétrant dans la salle où il prépare le festin, et mourir en m’acquittant envers mes maîtres de leurs bienfaits, ou jouir avec eux d’une vie heureuse. Il n’y a de honteux chez les esclaves que le nom ; dans tout le reste un esclave ne vaut pas moins que les hommes libres, quand son cour est honnête.

Le Chœur

Moi aussi, maîtresse chérie, je veux partager ton infortune : je veux mourir, ou vivre avec honneur.

Créuse

Ô mon âme, comment me taire ? ou comment révéler de criminelles amours et secouer la pudeur ? Mais quel obstacle m’en empêche encore ? Contre qui ai-je à engager ce combat ? N’est-ce pas l’époux qui m’a trahie ? Maison,

  1. Père de Xuthus.