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ION

Créuse

C’est moi qui dans l’ombre de la nuit l’enveloppai de mes voiles.

Le Vieillard

Tu n’avais pas de témoin, lorsque tu exposas ton fils ?

Créuse

Je n’en eus pas d’autres que le malheur et le mystère.

Le Vieillard

Et comment eus-tu le courage d’abandonner ton fils dans un antre sauvage ?

Créuse

Comment ? hélas !… en exhalant bien des lamentations.

Le Vieillard

Qu’il dût t’en coûter d’oser une pareille action ! Mais le dieu était bien plus misérable encore !

Créuse

Si tu avais vu cet enfant tendre les mains vers moi !

Le Vieillard

Cherchait-il à saisir le sein, ou à venir dans les bras ?

Créuse

Dans mes bras : et ne pas l’y recevoir était bien cruel de ma part.

Le Vieillard

Mais quel espoir a pu t’engager à exposer ton fils ?

Créuse

J’espérais que le dieu veillerait sur son propre enfant.

Le Vieillard

Hélas ! quels orages ont fondu sur la prospérité de ta maison ?

Créuse

Pourquoi voiler ta tête, ô vieillard, en versant des larmes ?

Le Vieillard

C’est à la vue de tes malheurs et de ceux de ton père,