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ION.

Le Vieillard

C’est ici qu’il faut le faire périr, afin de pouvoir nier le meurtre.

Créuse

Ah ! je goûte d’avance le plaisir de la vengeance.

Le Vieillard

Et ton époux ignorera que tu sais ce qu’il veut te cacher.

Créuse

Sais-tu ce qu’il faut faire ? Reçois de ma main ce flacon en or, antique ouvrage de Minerve ; va dans le lieu où mon époux sacrifie en secret, et, sur la fin du festin, lorsqu’ils se disposeront à faire les libations aux dieux, verse ce poison dans la coupe du jeune homme, à lui seul, et non aux autres : réserve-le à celui qui prétend devenir maître de mon palais. S’il touche à ce breuvage, jamais il ne verra la célèbre Athènes ; mais il mourra ici.

Le Vieillard

Rends-toi dans la maison des proxènes[1]. Pour moi, j’exécuterai ce que tu m’as prescrit. Et vous, membres débiles, reprenez votre ancienne vigueur[2]. Marchons contre l’ennemi de nos maîtres ; aidons-les à le faire périr, et à délivrer leur maison. Il est beau, dans la prospérité, d’être fidèle à la vertu ; mais, lorsqu’on veut frapper un ennemi, aucune loi ne doit arrêter notre bras.

Le Chœur
seul.

Fille de Cérès, divine Hécate qui règnes sur les spectres nocturnes et sur les fantômes du jour, verse toi-même la coupe empoisonnée, et dirige les pas du vieillard envoyé par

  1. Voyez plus haut la note sur le vers 514, p. 462.
  2. Littéralement : « Et toi, mon vieux pied, redeviens jeune de fait, quoique tu ne puisses l’être par le temps. »