Page:Europe (revue mensuelle), n° 124, 04-1933.djvu/104

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La faute en était à la misère, à l’épuisement physique, à l’abattement moral, qui détraquaient le système nerveux. Une cause d’excitation permanente était la présence en masse des femmes sales qui croupissaient là toute la journée. Leur odeur en était insupportable. Et, pour comble de malheur, l’habitation possédait deux latrines qui se prêtaient à merveille à faciliter et même à occasionner la pratique de ce vice.

Dans la cour, deux cabines en planches offraient leur peu de confort à une vingtaine de locataires, dont le nombre se trouvait quotidiennement doublé avec le monde du « Bureau ». Une main bien intentionnée avait tracé au goudron Femmes sur une porte, Hommes sur l’autre. On respectait les indications, si rien ne s’y opposait. Mais la cabine des femmes était exposée à l’éclairage du soleil tandis que celle des hommes était obscure. De plus, on avait pratiqué des trous qui permettaient aux hommes de regarder chez les femmes. On pouvait contempler celles-ci dans leur nudité intime. Et lorsqu’on voyait une jeune qui se glissait hors du « Bureau » vers la cour, on pouvait aussi voir un gaillard qui se dépêchait d’aller occuper l’autre cabine, si elle n’était déjà occupée par un concurrent qui avait pris les devants.

Les femmes sortaient, indifférentes, ne se doutant de rien. Les gars, abattus, le visage empourpré. Car la femme, si sale et si pauvre soit-elle, trouve toujours un comparse pour s’accoupler, tandis que l’homme, hygiène corporelle à part, ne peut penser à l’amour que lorsqu’il sait avoir de quoi payer au moins deux repas et la chambre de passe. On pouvait voir cela tous les soirs dans les cabarets des Transylvains. Les femmes y venaient danser, manger, boire et se faire prendre sur un grabat, sans se soucier de rien. L’homme, lui, payait tout. Aussi n’y allait-il que s’il savait pouvoir faire les frais de l’amour.


Adrien et Mikhaïl étaient tombés plus bas que ce mâle qui peut faire les frais de l’amour au cabaret des Transylvains, où, au moins, le plaisir était partagé. Plus bas même que le misérable qui peut se payer, moyennant un franc et un café de dix centimes, l’amour des maisons closes de la rue Croix-de-Pierre. La pièce d’un franc, ils ne la voyaient que