Page:Europe (revue mensuelle), n° 97, 01-1931.djvu/60

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C’est le côté mortel de la Japsha Rouge. Il en est un autre, qui est affolant.

Vous n’êtes pas depuis une demi-heure dans le fourré à abattre le superbe jonc avec votre târpan, qu’une humidité brûlante, tout d’abord, vous enlève le souffle, vous dévaste le cerveau et vous pousse à arracher vos nippes, à vous mettre nu. Des serpents d’eau, inoffensifs, vous grimpent au cou, s’y enroulent un instant, espiègles, pour s’élancer ensuite de tous côtés, comme des jets d’eau noire. Leur contact est plus douloureux qu’un fort courant électrique. Pendant ce temps, et dès le début, des filaments visqueux, fins et denses comme un tissu, vous immobilisent la peau des mains et du visage. En moins d’une heure, ils vous ferment les yeux. Si vous attendez ce moment-là, vous ne savez plus par quel côté vous sauver, ni retrouver votre charrette et la maison.

C’est, pourtant, à Japsha Rouge, que le vieil Andreï Ortopan, père de Minnkou, a jugé bon de se retirer, de construire une belle chaumière, de créer un travail lucratif et d’en vivre.

Père Andreï avait été, dans sa première jeunesse, prêtre. Par ardente vocation : il aimait Dieu et voulait servir les hommes. Hélas, il n’aimait pas que Dieu, mais toute la vie dont le Seigneur bourre parfois certaines de ses créatures humaines. Et alors, il ne fut plus possible au prêtre Andreï de servir les hommes ni d’aimer le Dieu de son évêque, qui l’expulsa de sa maison.

La faute du père Andreï Ortopan fut grave dès le commencement de son apostolat : marié et devenu prêtre, il ne fut l’homme de sa femme qu’une nuit, la première de leur courte existence commune. Puis, beau mâle, il ravagea sa paroisse et le département. Il fut le dieu de chair de toutes les déesses de la