Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/267

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mouvement en arrière pour nous rapprocher du mur, car nous ne comprenions pas trop encore où nous étions. Le spectre se mit à rire de nouveau, retira son bras, prit de la main gauche le flambeau qu’il tenait dans la droite, et fit un grand signe de croix. Nos yeux en étant venus au point de distinguer un peu plus clairement les objets, nous vîmes que nous avions affaire à un véritable Chinois, fort laid, bizarrement coiffé, et nu jusqu’à la ceinture. Quand il s’aperçut que nous étions parfaitement réveillés, il se baissa vers nous, et nous dit, à voix basse, qu’il était chrétien, et qu’il nous apportait une lettre de monseigneur de Sinite, coadjuteur du vicaire apostolique de la province du Sse-tchouen. Le Chinois alluma une lampe sur une petite table à côté du lit ; nous décachetâmes cette lettre qui nous parvenait d’une manière si fantasmagorique, et, pendant que nous lisions, notre chrétien s’éloigna, et se mit à parcourir le palais communal, en frappant de temps en temps sur un morceau de bambou. Cet homme remplissait les fonctions de veilleur de nuit.

Monseigneur Desflèches, évêque de Sinite, que nous avions connu à Macao, en 1839, avait sa résidence dans la ville même de Tchoung-king. Après nous avoir exprimé ses regrets de ne pouvoir sortir de la retraite où il vivait caché, pour venir embrasser des compatriotes, il nous donnait des détails sur les persécutions qui ne cessaient de désoler les chrétiens, malgré les édits de liberté religieuse obtenus par l’ambassade française. Sa Grandeur nous signalait que, dans Tchang-tcheou-hien, ville de troisième ordre, où nous devions passer dans quelques jours, le premier magistrat de la ville venait de