Page:Evariste Huc - Empire chinois ed 5 vol 1.djvu/268

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faire emprisonner trois chrétiens. Il nous donnait, sur cette affaire, tous les renseignements nécessaires pour pouvoir faire des réclamations lorsque nous serions arrivés sur les lieux. Le chrétien qui nous avait remis cette lettre avait eu soin de déposer sur la table, à côté du lit, une écritoire, une plume et du papier. Nous répondîmes immédiatement à monseigneur Desflèches, pour lui donner l’assurance que nous ferions tout ce qui dépendrait de nous pour obtenir la liberté de ses chers prisonniers. Nous profitâmes en même temps de cette occasion pour le prier d’avertir les chrétiens qui voudraient nous voir de se présenter au palais communal, en se conformant aux prescriptions des rites.

Nous écrivions cette lettre le cœur oppressé d’une tristesse indicible. Un missionnaire, un Français, un ami que nous avions connu autrefois et que nous n’avions pas revu depuis si longtemps, se trouvait à quelques pas de nous, et nous ne pouvions pas nous réunir et tomber dans les bras l’un de l’autre, et nous entretenir un instant de ces choses qui font vibrer l’âme du missionnaire, des souffrances des chrétiens, des épreuves des prédicateurs de l’Évangile, de la patrie, de la France dont nous n’avions aucune nouvelle depuis trois ans. Une consolation si douce nous était interdite ; et nous en étions réduits à nous écrire quelques lignes, au milieu de la nuit, à la hâte et furtivement. Dans la vie des missions, la faim, la soif, les intempéries des saisons, toutes les tortures du corps, ne sont rien en comparaison de ces souffrances morales, de ces privations du cœur, auxquelles il est si difficile de s’accoutumer.