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Page:Féron - La vierge d'ivoire, c1930.djvu/33

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LA VIERGE D’IVOIRE

dans les journaux.

— Quoi ! à la fin cette statuette serait-elle perdue pour tout de bon ? se demandait Philippe avec horreur.

Un soir, vers les dix heures qu’il revenait de la rue Sainte-Famille et gagnait son appartement, il s’entendit interpeller par une voix féminine qui ne lui semblait pas tout à fait inconnue.

Il s’arrêta, surpris et regarda la jeune personne qui était devant lui. Il la reconnut.

— Ah ! mademoiselle Jeanne !… Dites-moi comment va votre amie, Hortense ?

Philippe avait connu cette Jeanne au temps où il domiciliait à la pension de la Place Jacques-Cartier. C’était l’amie intime d’Hortense, sa compagne de travail, et cette jeune fille venait souvent à la Place Jacques-Cartier. Naturellement Hortense avait présenté l’ouvrière à Philippe

— Hortense ? répliqua la jeune fille. Vous ne savez donc pas qu’elle va se marier à Pâques ?

— Non, je ne sais pas. Je ne l’ai pas revue depuis

— Ah ! c’est vrai, depuis que vous êtes parti de la Place Jacques-Cartier ?

— Oui.

— Eh bien ! il y a du nouveau.

— Elle n’est donc plus sur la Place Jacques-Cartier ?

— Elle y a conservé sa chambre. Mais en ce moment elle est à Burlington.

— À Burlington ?

— Oui. Mais elle va revenir la semaine prochaine.

— Mais avec qui se marie-t-elle ?

— Fernand Drolet.

— Hein ! Fernand Drolet ?

— Vous le connaissez ?

— Si je le connais… c’est un de mes amis !

— Tiens ! comme ça se trouve !

— Mais dites-moi comment la chose c’est faite ?

— Ma foi, je n’en sais guère plus que vous. Hortense m’a écrit qu’elle se mariait à Pâques avec ce Fernand Drolet. voilà tout. Seulement, je sais qu’elle avait connu un peu ce jeune homme à Montréal, puis le hasard les a placés sur le même chemin à Burlington. Si vous voulez lire la lettre d’Hortense, ajouta la jeune fille en tirant une enveloppe de sa sacoche qu’elle tendit à Philippe.

— Il n’y a pas de secret ? demanda le jeune homme en hésitant à prendre la lettre.

— Pas le moindre. D’ailleurs vous connaissez Hortense… c’est du badinage tout le long.

Philippe lut la lettre. Tout à coup il s’écria :

— Hein ! est-ce possible qu’elle ait trouvé la Vierge d’Ivoire ?

— La Vierge d’Ivoire ! fit Jeanne interdite.

Tous deux se regardèrent avec surprise.

— Oui, dit Philippe la voix et les mains tremblantes, la Vierge d’Ivoire. C’est une petite statuette qu’on a perdue. Je l’avais trouvée moi-même sur la Place d’Armes, puis je l’ai donnée à un restaurateur de la rue Notre-Dame.

— Ce n’est pas le bossu que vous voulez dire ?

— Lui-même.

— Et bien ! je comprends comment il se fait qu’Hortense ait trouvée la statuette. Le bossu fait laver son linge chez nous, et je comprends que la statuette se sera trouvée égarée parmi des pièces de lingerie quelconque et qu’elle serait tombée.

Et elle raconta à Philippe tous les détails de la trouvaille d’Hortense à la buanderie.

Philippe chancelait de joie folle : enfin la Vierge d’Ivoire était retrouvée !

— Et vous pensez qu’Hortense possède encore cette statuette ? demanda t-il avec inquiétude.

— Je le pense, oui.

Philippe à son tour dit à l’ouvrière l’histoire de la statuette, et termina en disant comment, celle qui l’avait perdue, se mourait de chagrin.

— Eh bien ! mademoiselle Jeanne, je pars de suite pour Burlington. Voulez-vous me donner l’adresse d’Hortense ?

— Elle est là sur la lettre. Mais je ne vous conseille pas de faire ce voyage, attendu qu’Hortense sera revenue dans quelques jours.

— Vous avez peut-être raison.