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LA GALERIE DU GÉANT.

du porte-clefs Nicholas, vers la cellule du vieux Mill’s.

Dans les dortoirs communs qu’ils étaient forcés de traverser, les prisonniers s’agitaient curieusement, et sur leur passage, un murmure confus s’élevait où dominaient ces mots :

Le dernier jour ! le dernier jour !

Il est un usage dont les traces se retrouvent par tous pays et qui consiste à prendre en pitié les dernières fantaisies du condamné qui va mourir. Ce sentiment de passagère et vaine compassion règne depuis des siècles dans toutes les prisons de l’Europe. À l’homme bien portant et dispos dont la loi va trancher la vie dans quelques heures, il est d’usage de ne rien refuser.

En Irlande, cette coutume est, comme bien d’autres, poussée à sa plus extrême expression. Il ne s’agit plus là de satisfaire un caprice isolé, mais bien de passer joyeusement les heures qui précèdent la mort.

Le condamné a le choix entre un confesseur et l’orgie. Il est douteux qu’un geôlier eût le droit de refuser l’entrée aux convives du dernier jour[1] ou de mettre arrêt sur les

  1. Le mot est dernier temps (last time).