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Page:Féval - La Vampire.djvu/233

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LA VAMPIRE

splendidement belle. Elle semblait pour lui se détacher du lit et nager dans l’espace.

La lumière qui glissait entre les cils fermés devenait plus brillante, s’allongeait et remontait vers lui comme un regard.

Et la voix, — la voix qui avait dit : « Tu m’aimes, » arrivant de partout à la fois et l’enveloppant comme une atmosphère parlante, murmurait en lui et au dehors de lui des mots qu’il fut longtemps à comprendre.

Cette voix disait :

— Tue-moi, tue-moi, je t’en supplie, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ! Ma souffrance la plus terrible est de vivre dans cette mort et de mourir dans cette vie… Tue-moi !

Ces paroles étranges semblaient aller et venir en raillant.

Du dehors on n’entendait plus rien, ni la plainte du vent, ni la gaieté de la taverne.

Tout ce qui était dans la chambre se prit à remuer, comme si c’eût été la cabine d’un navire tourmenté par la lame.

La morte seule restait immobile, dans la sérénité de son suprême sommeil, suspendue par un pouvoir occulte au-dessus du lit, qui ne la supportait plus.

Elle montait ainsi lentement, soulevée dans le vide.

Germain devinait que sa bouche allait bientôt venir au niveau de ses lèvres.

Et la voix disait, toujours plus lointaine :

— Pour me tuer, il faut me brûler le cœur, je suis la vampire dont la mort est une vie, la vie une mort. Tue-moi ! Mon supplice est de vivre, mon salut serait de mourir. Tue-moi, tue-moi !

Ces mots riaient amèrement autour des oreilles de l’étudiant.

Et la blanche statue montait.

Quand le visage de la morte fut tout près du sien, à lui, Germain, il vit une goutte de sang vermeil et liquide qui sortait de la blessure.

Et une haleine ardente le brûla.

Et sa lèvre fut touchée par cette bouche qui lui sembla de feu.

Il reçut un choc dont aucun mot ne peut rendre l’étourdissante violence. Ce fut sa dernière sensation. Il entrevit, béant, le gouffre sans fond qu’on nomme l’éternité. Il y tomba… Le lendemain matin, au grand jour, il s’éveilla, couché en travers sur son lit et le visage contre les couvertures.

Le corps de la comtesse Marcian Gregoryi avait disparu.

Le pensée voulut naître en lui qu’il avait été le jouet d’un rêve affreux.