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LA VAMPIRE

perdront courage avant la fin engraisseront les poissons… Est-ce tout ?

Ézéchiel restait silencieux

— À quoi penses-tu ? demanda la Hongroise brusquement.

— Bonne femme Paraxin, répondit le cabaretier, je pense à la peur que j’ai. Vos menaces m’effrayent beaucoup, je ne le cache pas, car je vous regarde comme une diablesse incarnée…

La Hongroise lui caressa le menton bonnement.

— Mais, poursuivit Ézéchiel, je suis plus effrayé encore des dangers qui m’environnent de toutes parts à cause de vous. À quoi me servira-t-il d’avoir gagné beaucoup d’argent si on me coupe le cou ?

Mme Paraxin lui donna un bon coup de poing entre les deux épaules et lui dit quelques injures en latin. Après quoi elle reprit d’un ton sérieux :

— Nous avons de quoi détourner l’attention, brave homme, ne t’inquiète pas… Vois-tu cette lumière, là-bas ?

Ils avivaient au bout de l’avenue, et le pavillon de Bretonvilliers détachait sa haute silhouette sombre sur le ciel.

Une lueur brillait au premier étage.

— Oui, je vois la lumière, répliqua Ézéchiel, mais qu’est-ce que cela dit ?

— Cela dit, mon fils, qu’il y a là un joli jeune homme en train de se brûler à la chandelle. Avec ce papillon nous avons, si nous voulons, deux ou trois semaines de sécurité devant nous.

— Qui est ce papillon ?

— Le propre neveu de Georges Cadoudal, mon fils, qui va nous vendre, pour un sourire… ou pour un baiser, ou plus cher, le secret de la retraite de son oncle.

VI

LA MAISON ISOLÉE

C’était une chambre très vaste et si haute d’étage qu’on eût dit une salle de quelque ancien palais de nos rois. Les tentures en étaient fatiguées et ternes de vétusté, mais d’autant plus belles aux yeux des coloristes, qui cherchent l’harmonie dans le fondu des nuances et qui chromatisent en quelque sorte la gamme contenue dans le spectre solaire pour obtenir leurs savants effets : de telle sorte, par exemple, que le cos-