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LE BOSSU.

tout dire au conseil) on mit la froideur, la défiance, presque la haine entre madame la princesse et moi… on prit à témoin cette image en deuil qui orne la retraite d’une sainte femme…, on opposa au mari vivant l’époux mort… et pour employer un mot trivial, messieurs, un pauvre mot qui est l’expression du bonheur des humbles, — hélas ! ce qui ne semble pas fait pour nous autres qu’on appelle grands, on troubla, on empoisonna, on perdit mon ménage…

Il appuya fortement sur ce mot.

— Mon ménage, entendez-vous bien ? mon intérieur, mon repos, ma famille, mon cœur… Oh ! si vous saviez quelles tortures les méchants peuvent infliger aux bons !… si vous saviez les larmes de sang qu’on pleure en invoquant la sourde providence… si vous saviez !… je vous affirme ceci sur mon honneur et sur mon salut… je vous le jure !… j’aurais donné mes titres… j’aurais donné mon nom… j’aurais donné ma fortune pour être heureux à la façon des petites gens qui ont un ménage !… c’est-à-dire une femme dévouée… un cœur ami et toujours prêt à recevoir le saint épanchement…, des enfants qui vous aiment et qu’on adore… la famille… enfin la famille, cette parcelle de félicité céleste que Dieu bon laisse tomber parmi nous !