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LE BOSSU.

» — Je leur ai arraché la proie qu’ils allaient déchirer, les loups ! me répondit-il.

» Moi ! c’était moi ! je le comprenais bien. Cette pensée m’emplissait le cœur et le navrait : j’étais cause de tout. J’avais brisé sa vie. Cet homme, si beau naguère, si brillant, si heureux, se cachait maintenant comme un criminel. Il m’avait donné son existence tout entière.

» Pourquoi ?…

» — Père, lui dis-je, père chéri, laissez-moi ici et sauvez-vous, je vous en supplie.

» Il mit sa main sur ma bouche.

» — Petite folle ! murmura-t-il ; s’ils me tuent, je serai bien forcé de t’abandonner… mais ils ne me tiennent pas encore… Lève-toi !

» Je fis effort pour obéir ; j’étais bien faible.

» J’ai su depuis que mon ami Henri, harassé de fatigue, car il m’avait porté dans ses bras, demi-morte que j’étais, depuis Pampelune jusqu’à cette maison éloignée, était entré là pour demander un gîte.

» C’étaient des pauvres gens. On lui donna cette chambre où nous étions.

» Henri allait s’étendre sur une couche de paille préparée pour lui, lorsqu’il entendit un bruit de chevaux dans la campagne. Les chevaux s’arrêtèrent à la porte de la maison isolée. Henri