Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 1, 1850.djvu/246

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sur son bac, dont la clef était maintenant au manoir. Son agonie, trop longue, avait usé à la fois la compassion et la terreur superstitieuse des bonnes gens du pays. On ne le craignait plus guère, bien qu’il passât toujours pour sorcier, et ses voisins avaient oublié la route de sa cabane.

Il se mourait tout seul, lentement et tristement. Sans les deux jeunes filles de l’oncle Jean, Diane et Cyprienne de Penhoël, qui venaient chaque jour s’asseoir à son chevet, des semailles entières se seraient écoulées sans qu’un être humain passât le seuil de sa cabane.

Parfois, à les voir paraître belles et douces comme un rayon de consolation divine, le passeur retrouvait un sourire. Mais d’autres fois ses paupières se baissaient et un voile de douleur plus morne tombait sur son visage.

Ses traits immobiles prenaient alors comme une expression de pitié.

Il priait à voix basse, et au milieu de sa prière d’étranges paroles s’échappaient de ses lèvres. On eût dit qu’il voyait les jeunes filles déjà mortes dans le même cercueil, car, au lieu de demander à Dieu leur bonheur en ce monde, il priait pour le repos de leurs âmes durant l’éternité.

Et il joignait ses mains amaigries en pronosti-