Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 1, 1850.djvu/55

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cette route, où il avait essayé quelques pas, était si mystérieuse encore !

Il fallait savoir. Que voulait dire, par exemple, cette larme qui coulait silencieusement sur la joue du bonhomme ?

Robert attendit quelques secondes, puis il avança son siége et prit sans mot dire la main de l’aubergiste, qu’il serra entre les siennes.

— Vous l’aimez ?… dit-il d’une voix contenue et qui jouait admirablement l’émotion.

Le père Géraud détourna la tête pour cacher ses yeux humides :

— Tonnerre de Brest ! murmura-t-il, je ne suis pas un pleurnicheur, pourtant !… Mais c’est que M. Louis était presque mon enfant !… Je l’ai fait sauter si souvent sur mes genoux, quand le commandant venait en congé au château… J’ai servi vingt ans sous les ordres du père des jeunes gens, monsieur ; et quand on l’avait vu comme moi, le commandant, deux ou trois douzaines de fois, debout sur son banc de quart, démolissant l’Anglais en grand costume de capitaine de vaisseau, on lui aurait donné son corps et son âme, voyez-vous bien !… Et si bon, avec cela !

— J’ai entendu parler du commandant de Penhoël, interrompit Robert.

— Je crois bien !… qui n’en a pas entendu